Les erreurs de notre cerveau
Écrit par Rachel Ouellet
Un biais cognitif est une distorsion du cerveau. Une erreur de compréhension. Ils constituent des façons rapides et intuitives pour notre cerveau de porter des jugements. Ils permettent de prendre des décisions de façon moins exigeante qu’un raisonnement complet et poussé, qui tiendrait compte de toutes les informations pertinentes. Ces réflexions rapides sont souvent utiles, mais elles entraînent aussi des jugements biaisés.
Le terme biais fait référence à un « détournement ». Un détournement de la pensée logique et rationnelle. Les biais cognitifs nous amènent à accorder des priorités aux informations selon notre vision des choses, transformant les informations selon la réalité que nous recherchons à avoir. Ils nous amènent vers une compréhension des choses que nous désirons inconsciemment posséder, qu’elles soient vraies ou fausses. Notre cerveau choisit les informations qu’il veut bien enregistrer!
Les biais cognitifs ne sont généralement pas conscients et peuvent arriver fréquemment. Sauf si nous apprenons à les reconnaître et faisons l’effort de penser un peu plus fort. Nous pouvons apprendre à notre cerveau à les détecter, en développant entre autres notre esprit critique. En allant valider les informations et en se renseignant à plusieurs sources différentes. Faisons-en sorte que notre cerveau cesse de transformer à sa guise les informations en privilégiant les raccourcis, et en évitant de se remettre en question. Voici quelques-uns des biais fréquemment utilisés par notre cerveau.
Le biais de confirmation et de l’autruche
Le biais de confirmation est la tendance du cerveau à ne repérer et à ne prendre que les informations qui confirment ses croyances. Encore pire, il nous amène à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent et ce, même si elles sont plus logiques et étoffées. Ainsi le cerveau n’a pas à apprendre de nouvelles choses ni à se remettre en question. Mélangé au biais de l’autruche qui nous amène à ignorer les informations défavorables selon notre point de vue, en se mettant bien évidemment la tête dans le sable, ces deux biais peuvent rendre bien désagréable toute conversation pour quelqu’un qui se veut logique et rationnel.
L’effet de simple exposition
L’effet de simple exposition est très utile en publicité. Vous savez les pubs qui reviennent une dizaine de fois pendant le même film? À force de vous répéter les mêmes choses, de vous laver le cerveau avec leurs logos et de vous faire entendre les mêmes refrains stupides qui ne sortent plus de votre tête, les publicités finissent par se graver dans notre cerveau. Une exposition récurrente finit par apporter un sentiment positif envers quelqu’un ou quelque chose. Juste par l’effet de répétition. C’est connu, donc c’est sécurisant. Notre cerveau aime la routine et craint la nouveauté. Le fait de voir et d’entendre les mêmes choses pendant longtemps, lui donne aussi une forme de crédibilité. Si on en entend autant parler, ça devrait être bon non?
Le biais de croyance
Le biais de croyance arrive lorsque nous passons par-dessus la logique pour en arriver à une conclusion ou à un argument qui correspond à nos croyances. Même si la réalité est en contradiction avec ce qu’on pense, on préfère rester avec nos fausses illusions. Quand nous entendons un argument qui met en évidence les lacunes dans nos préconceptions, ça crée un inconfort psychologique que le cerveau cherche à réduire. On veut alors défendre nos idées coûte que coûte, au prix que nos propos passent pour absurdes aux yeux des autres.
Le biais d’attribution
Le biais d’attribution est la tendance à tirer des conclusions hâtives. On regarde agir une personne pour la première fois, et on se fait une idée d’elle en fonction de notre première impression. Comme une femme devant nous à la banque qui semble nerveuse et qui répond sèchement, on l’étiquettera probablement de peu sociale et de frustrée. Nous évaluons ses comportements présents et rejetons tous les autres faits possibles, comme la situation actuelle de la personne et son contexte de vie. C’est plus facile pour le cerveau de se faire une opinion injustifiée au premier coup d’œil. Il n’a pas à se questionner et peut juger comme il l’entend! Mais de s’imaginer que cette femme est peut-être monoparentale, qu’elle travaille cinquante heures semaine et est en retard pour aller chercher ses enfants à l’école demande plus de réflexion. Ça demande d’autres fonctions cérébrales plus exigeantes comme l’empathie. C’est parfois dur de réfléchir !
L’argument d’autorité
L’argument d’autorité consiste à suivre les yeux fermés, toute personne qui démontre une expertise réelle ou illusoire sur un sujet que nous ne maîtrisons pas. Quitte à la citer au besoin lors d’argumentations, qu’elle est raison ou non. Nous suivons ces experts comme de bonnes personnes dociles car qui porte une blouse blanche doit assurément savoir de quoi elle parle. S’informer, questionner, aller valider l’information n’est normalement pas notre instinct premier. Mais attention, tout le monde peut s’improviser expert et vous faire croire n’importe quoi. Comme l’acteur de pilules miracles qui font maigrir.
Le biais d’autocomplaisance
Le biais d’autocomplaisance nous amène à se croire à l’origine de ses réussites, et parfois aussi indirectement, à se croire aussi responsable de celles des autres. Ce biais nous pousse toutefois à attribuer ses échecs à des facteurs externes, ou bien à la faute du voisin. Quand c’est positif, notre cerveau veut les fleurs. Mais lorsqu’on se trompe, assumer nos responsabilités est plutôt difficile. En fait, quand on vit dans l’autocomplaisance, on fait comme Donald Trump. Tout ce qui est bien vient assurément de notre « très très grande intelligence ». Mais quand on fait le con, on met ça sur la faute de la Chine, de l’OMS, des manifestants, de nos anciens collaborateurs ou des démocrates! Aussi simple que ça!
L’effet de halo
L’effet de halo se produit quand la perception d’une personne ou d’un groupe est influencée par l’opinion que nous nous sommes faite préalablement. Par exemple, une belle personne bien habillée sera perçue comme intelligente et respectable. De même que la personne qui a un titre important, sera vue comme digne de confiance et méritante. Prenons l’exemple que vous êtes dans un autobus de la ville. Assis tout près de vous, se tient une belle jeune femme en talons hauts, fraîchement maquillée, d’une beauté presque parfaite. En face est assis un homme athlétique, en veston cravate et cheveux soignés, portant une mallette d’avocat assurément. Et à votre gauche, un homme de la construction, faisant de l’embonpoint, poussiéreux de sa journée de travail et dont la sueur séchée se voit sur son chandail. Tout à coup, une odeur pestilentielle se fait sentir, mélangée au silence gênant ambiant. La grande question : qui a pété?
Le biais de complexité
Le biais de complexité se base sur la croyance que les choses compliquées sont préférables aux choses simples. Nous accordons souvent plus de crédit aux solutions complexes, car nous associons la complexité à une forme de sophistication ou de savoir important. Les choses simples ne sont pas dignes de confiance pour notre cerveau. Bizarrement, lorsque les explications données ou les sujets sont simplifiés et accessibles pour tous, notre cerveau a tendance à les rejeter. Mais si ces mêmes explications sont données avec des termes compliqués que nous ne comprenons pas vraiment, nous donnons plus de crédit à ce qui est dit. Bref, moins nous comprenons, plus nous donnons de la valeur aux choses. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?
Le biais d’omission
Le biais d’omission consiste à penser que faire du tort par une action, est pire que causer un tort par notre inaction. Ce biais explique que nous préférons parfois ne pas intervenir dans une situation où nous le devrions, plutôt que de dénoncer ou faire des actions concrètes pour l’éviter. « Si nous ne nous mêlons pas au problème, nous ne pouvons pas être responsables de la situation non? » Mais être des témoins silencieux d’une injustice ou d’un tort, fait pourtant de nous des complices…
Le biais de faux consensus
Le biais de faux consensus est la tendance à croire que les autres sont d’accord avec nous, plus qu’ils ne le sont réellement. Ce biais peut être particulièrement retrouvé dans des petits groupes fermés, comme la famille, une clique d’amis ou un milieu de travail avec peu d’employés. Ces petits groupes dans lesquels les membres rencontrent rarement des gens qui osent argumenter ou apporter des opinions différentes. Les gens vont plutôt camoufler leurs idées divergentes pour éviter que le groupe tissé serré, ne se retourne contre eux. « Celui qui adopte un autre mode de vie, d’une façon visible et concrète, sape les bases du conformisme. Il se heurte à l’intolérance car on est immédiatement suspect si l’on est différent ». Vincent Gerbe
Le biais négatif
Le biais négatif arrive quand le cerveau se concentre surtout sur les choses négatives. Lorsque ça va bien, on a tendance à moins le remarquer. On ne se dit pas : « Tient… Ça va vraiment bien! Présentement je ne vis aucun problème et je n’ai aucune préoccupation! » En revanche, dès que quelque chose cloche, notre cerveau le remarque aussitôt et tente de régler la situation. Il doit augmenter son attention et dépenser de l’énergie pour régler l’événement perturbateur, ce qui le stress et le dérange beaucoup. Malgré que ce même événement n’a duré que quelques minutes, c’est lui que le cerveau se souviendra le plus. Et il faut cinq moments positifs pour contrecarrer un seul évènement négatif. Donc les personnes qui sont généralement positives, et dont le verre est toujours à moitié plein, défient ce biais en se concentrant surtout sur les bonnes choses.