Écrit par Rachel Ouellet
Les profils laminaire et complexe
Les personnes à haut potentiel intellectuel ne sont pas toutes similaires, ayant des capacités égales et conformes d’un individu à l’autre. Les recherches par imagerie médicale, font ressortir des différences importantes d’un type de doué à l’autre. Certains réussissent facilement et ont des capacités assez uniformes, peu importe les zones du cerveau qui sont étudiées. D’autres peuvent avoir des difficultés, étant donné des différences marquées d’une zone du cerveau à l’autre, ce qui apporte une forme de déséquilibre cognitif. Selon les dernières études, il semble exister bel et bien, deux types de profils de haut potentiel.
Les profils homogène et hétérogène
On parle d’un profil homogène, lorsque l’enfant présente des scores élevés similaires, sur chacun des indices testés du QI. En revanche, si des écarts supérieurs de 15 points et plus sont constatés entre les sphères testées, il s’agit d’un profil hétérogène. En plus du QI dans l’ensemble homogène, certains démontrent une plus grande intelligence sociale et affective que d’autres. Une forme d’hyperconscience globale de la vie et de l’être humain. Ils s’adaptent mieux dans leurs environnements et vont peut-être être plus discrets, voulant fonctionner sans attirer l’attention sur eux. Leur intelligence sera observée dans des situations plus subtiles de la vie, et moins dans des performances académiques par exemple.
D’autres sont davantage « intellectuels » et centrés sur les connaissances concrètes et rationnelles, image plus typique qu’on a de l’intelligence. La réflexion concrète prenant plus de place, elle tasse peut-être un peu le monde abstrait, l’imaginaire, le social et l’émotif par exemple. Ce type appréciera les défis cognitifs et désirera obtenir de bons résultats. Trouvant moins important le monde social, celui-ci pourra être mis de côté pour la recherche de la vérité, de la réussite scolaire et pour poursuivre ses apprentissages. Ce type pourra trouver plus difficile de socialiser avec les autres enfants, leurs intérêts et leurs fonctionnements étant trop différents.
Il est important de nommer que les recherches sont toujours en cours, et devront être poussées plus loin pour confirmer officiellement les deux types de douance, mais les études prouvent de plus en plus ces particularités. Nous ne pouvons encore confirmer qu’une ligne franche sépare le haut potentiel en deux catégories précises, car les deux se rejoignent en grande partie, et le cerveau humain ne peut être tranché au couteau aussi facilement. Également, les différences plus faibles observées chez le type hétérogène entre les sphères testées, peuvent si elles sont stimulées, se développer davantage, ce qui réduira les écarts et deviendra donc davantage « homogène » avec le temps.
Les descriptions suivantes des profils de doués sont générales et s’inspirent des observations au quotidien de ces enfants. Chaque humain est unique dans ses forces et ses défis, ainsi que dans son histoire de vie. Peut-être que vous retrouverez un peu de votre enfant dans les deux profils, mais un ressortira surement davantage que l’autre.
Le doué laminaire
Le doué laminaire est l’enfant qui a un profil homogène. Ces enfants ont un développement cognitif plus égal et une grande facilité à apprendre. Selon Fanny Nusbaum, la majorité de ces enfants réussissent assez bien à s’adapter. Ils sont toutefois sensibles aux attentes des autres et désirent répondre aux exigences de l’environnement.
« Le profil laminaire bénéficie de capacités cognitives, psychomotrices et relationnelles de bon niveau et le plus important, en adéquation avec son environnement. Il n’éprouve ainsi pas la nécessité de défendre ou d’imposer sa place au sein du monde, puisqu’il sent cette place déjà acquise. Si aucun traumatisme ne vient freiner son évolution, le parcours de vie se révèle en général constructif et adapté. » Fanny Nusbaum
Le profil laminaire aime apprendre, mais n’en fera pas un absolu vital dans sa vie. Il apprécie découvrir, pouvoir utiliser sa créativité et réfléchir sur la vie en général. Ses intérêts seront souvent variés, touchant une panoplie de sphères de connaissances, qui ne sont pas nécessairement reliées à l’académique. Le laminaire aime être efficace. Dépenser de l’énergie pour rien, lui semble absurde. S’il fait quelque chose qui l’intéresse, il le fait bien. Mais si ça l’intéresse moins en revanche, sa participation diminue assez rapidement. Il est important pour un enfant laminaire, d’avoir des modèles adultes qu’il respecte. Il pourra par exemple s’intéresser moins aux mathématiques, mais si son nouvel enseignant est dynamique et sait capter l’attention de ses élèves, souvent on observe les notes remonter, ainsi que le plaisir du jeune face à cette matière. Un jeune de 14 ans me disait que son critère numéro un pour aimer ou non une matière, était toujours le type d’enseignant. Même une matière aimée peut devenir inintéressante l’année suivante, car l’ambiance de la classe est moins motivante. Les résultats scolaires peuvent même diminuer en cours de route. Le chemin inverse est aussi observé.
Le laminaire donne beaucoup d’importance à l’introspection dans sa vie. Il réfléchit sur lui-même et sur les autres. Il observe énormément les dynamiques sociales dans lesquelles il évolue. Il fait régulièrement le tour de son monde intérieur, ce qui l’amènera à avoir une connaissance de soi bien développée, s’il est bien guidé. Il sait reconnaitre ses forces et ses défis, et pourra rire de lui-même s’il a une bonne estime de soi. Il sera un enfant normalement plus facile à vivre et plus égal dans ses humeurs. Il aime beaucoup les conversations avec l’adulte, si celui-ci lui permet de s’exprimer sans le freiner. S’il écoute vraiment, plutôt que de jouer le rôle de l’adulte qui a raison et sait tout. Le laminaire pourra peut-être privilégier l’aspect social et créateur dans sa vie, versus les compétences scolaires par exemple. Il saura attirer positivement l’attention des autres s’il est bien guidé. S’ils ne sont pas trop timides, ces jeunes font souvent de bons leaders positifs. Ils peuvent toutefois vivre davantage d’anxiété dans leur vie sociale, étant hyperconscients des autres et pardonnant peu leurs propres écarts.
Ce type d’enfant va moins rechercher les notes parfaites ou la réussite absolue. Ils aiment réussir bien évidemment, mais s’ils n’accrochent pas à la matière, avoir une excellente note ou dans la moyenne, ne fera pas une grande différence pour eux. Ils s’investissent s’ils jugent que le projet a de la valeur. Ils sont souvent de beaux petits philosophes en herbe et des défenseurs de la planète. Leur conscience mondiale est normalement bien développée. Ils s’intéressent à la nature, à la spiritualité, aux voyages, à la psychologie, aux animaux, à l’art… Bien souvent les sujets moins traités à l’école. Ils parleront de justice, d’équité, de tolérance, étant sensibles aux autres et comprenant bien l’esprit humain.
Le doué complexe
Les enfants HP complexes ou hétérogènes, possèdent certaines capacités élevées et d’autres davantage dans la normale. Ce qui crée des différences cognitives significatives, qui ont des impacts sur leurs visions du monde et sur leurs comportements. Ces enfants ont souvent un décalage entre leur intellect avancé, versus leurs compétences motrices, leur gestion émotionnelle et sociale moins développées par exemple. Nous parlons alors du phénomène de dyssynchronie.
Les enfants à profil complexe, peuvent en venir à avoir des troubles d’apprentissage, des limites de motrices fine et/ou globale, ou des troubles de langage qui malheureusement, finissent souvent par camoufler la douance. Selon Dre Nusbaum, « ce profil est caractérisé par un cerveau qui pense constamment, une très grande créativité intuitive et une pensée analogique qui rend la planification très difficile. Attachants et généreux, ces enfants sont souvent non conventionnels et hypersensibles. Leur réussite scolaire est très variable et dépend souvent de leur relation avec l’enseignant ».
Les doués complexes sont plus à risque d’être en difficultés scolaires, d’avoir des défis sociaux, émotionnels et comportementaux. Leur parcours scolaire peut être plus laborieux, mais ce n’est pas une règle absolue s’ils ont le soutien dont ils ont besoin. Le jeune complexe aura de la difficulté à jongler avec son raisonnement logique et ses grandes connaissances, tout en étant à l’écoute et adapté dans ses interactions avec les pairs, qui n’ont pas nécessairement les mêmes facilités que lui. Les jeunes complexes accordent beaucoup d’importance à l’intelligence, à la réussite et aux connaissances, et peut-être moins à l’aspect social et empathique, ce qui apporte un fosset entre lui et les paires. Il peut trouver les autres enfants ennuyants par exemple, ou peu productifs à l’école. Le même problème pourra s’observer devant un adulte qu’il juge « ignorant », le voyant comme une source moins intéressante de connaissances et d’intelligence, des critères humains bien importants pour lui. De façon générale, l’être humain va davantage utiliser ses forces, plutôt que de mettre en évidence ses limites. L’enfant complexe aura donc naturellement le réflexe de passer par l’intellect pour traiter ce qu’il vit, plutôt que par les émotions plus difficilement gérables pour lui.
Le doué complexe a une soif d’apprendre et une grande curiosité. Il est le type d’enfant qui aime le plus les défis intellectuels. Plusieurs d’ailleurs prennent bien du plaisir à passer les tests de QI! Le complexe veut comprendre le monde. Davantage comme un scientifique, plutôt que comme un explorateur,qui image mieux le type laminaire. Le complexe adore penser. Il aime analyser, calculer et sa pensée est très rapide. Il préfère souvent travailler seul à l’école, pour pouvoir aller à sa vitesse et selon son fonctionnement à lui. Plusieurs de mes petits clients complexes, nomment que le travail d’équipe avec les autres est plus compliqué et problématique. Ils doivent constamment dire aux autres quoi faire, faire une grosse partie du travail et ils obtiennent de moins bonnes notes. Ils voient donc peu d’avantages à travailler en équipe. Le doué complexe aime pouvoir travailler rapidement et à sa façon. Argumenter positivement et utiliser les forces du groupe est moins sa tasse de thé. Il voudra que les autres suivent sa réflexion, et donnera l’impression d’être « le petit contrôleur du groupe ». Les forces cognitives du doué complexe, s’observent souvent dans la déduction, la logique et les faits. Comme tout bon scientifique d’ailleurs! Leurs mondes intérieurs les intéressent moins, encore moins ceux des autres.
Les HP complexes veulent vraiment réussir. Ils sont calculateurs et prennent le temps d’analyser chaque petit détail, pour s’assurer qu’ils ne passent pas à côté d’informations importantes. Ils sont souvent plus discrets dans la conversation. Il est vraiment plus difficile de les faire parler. Lorsque nous tombons dans des sujets plus abstraits comme les autres, les émotions ou leur philosophie de la vie par exemple, ils ont souvent peu à dire. Leurs réponses restent vagues, plus limitées et ils doivent prendre du temps pour y réfléchir. Leurs explications ressemblent davantage à une analyse scientifique, plutôt qu’une réelle opinion assumée.
Lorsque je demande aux jeunes laminaires, pourquoi selon eux les autres élèves de leur classe apprennent moins rapidement, ils mentionnent que chacun apprend différemment. Qu’eux ont la chance de comprendre facilement. Ils m’expliquent que certains élèves ont des difficultés, comme des troubles d’apprentissage par exemple. Ils se montrent davantage sensibles aux besoins des autres. Le complexe lui, surtout s’il en encore jeune et doit développer sa subtilité sociale, répondra tout simplement que les autres apprennent moins bien que lui. Pourquoi? « Parce que je suis plus intelligent qu’eux. Ils n’écoutent pas en classe, car s’ils écoutaient, ils comprendraient ce que l’enseignante explique ».
L’enfant complexe est plus souvent celui qui vit de la colère. Parfois même des crises assez importantes qui déstabilisent les parents. Il leur est très difficile de vivre l’échec. Ils ont une vision de la réussite bien précise : soit on gagne, soit on perd. On réussit, ou on échoue. Ils pourront tenter d’éviter ce qui les sortent de leur zone de confort, ou lorsqu’ils comprennent qu’ils auront des difficultés à faire ce qui est demandé. Parfois l’enfant complexe pourra défier l’adulte, voire le provoquer, si selon son point de vue à lui, l’adulte ne se montre pas à la hauteur. Il pourra être un argumentateur intense s’il juge qu’il a raison.
L’enfant hétérogène comprend beaucoup de choses avancées, mais il n’a pas nécessairement la sagesse et l’émotivité pour bien les gérer. Sa logique étant souvent plus grande que son empathie, la raison sera celle qui l’emportera. Au prix parfois de faire réagir les autres. Il peut reprendre les autres sans hésiter, mais assumer ses erreurs ou ses imperfections est davantage un défi pour lui. La réussite, les notes, les honneurs, les médailles et collectionner les trophées, sont souvent une bonne source de motivation. L’enfant complexe a besoin d’être guidé par des adultes, qui sauront lui donner des défis intellectuels à son image et lui apprendre à utiliser positivement son intelligence. Il devra être guidé vers une plus grande conscience sociale et émotive, pour que l’intellect ne se sépare pas trop du cœur.