La gestion des crises de colère
Écrit par Rachel Ouellet
Les crises font souvent partie des comportements d’enfant TDA(H). Soit ils sont de type anxieux et vivent des périodes de « c’est la fin du monde », période qui sera traitée dans un autre article du blog sous peu, soit ils expriment leur trop plein par des comportements de colère. Et lorsqu’ils sont en colère, ce n’est pas de toutes petites colères. Son enfant normalement doux comme un agneau, se déchire la chemise et se transforme en Hulk!
Alors comment on calme Hulk ?
Répondre aux crises de colère et d’agressivité par de la colère et de l’agressivité, ne fait que grossir le problème. C’est comme dans les films de Hulk. Plus l’armée tire avec ses tanks et ses bombes, plus Hulk grossit et devient agressif.
La première chose à savoir est qu’une grande partie des comportements de crises sont incontrôlables. Particulièrement en bas âge. Dans le sens que nos enfants ne souhaitent pas vivre ces crises et regrettent par la suite leurs actions et paroles. Souvent associée au TDA(H), l’opposition-provocation ajoute à l’intensité de la crise. Et se faire traiter de noms et se faire blâmer pour des choses qui n’ont aucunement rapport avec la situation, peut devenir blessant et nous faire réagir. Mais nourrir les comportements de crise ne fait qu’empirer la situation.
Peu importe la ou les raisons qui ont amené à la crise, l’intervention efficace reste toujours la même. Du moins, selon mon expérience d’intervenante-maman que je suis.
Les causes et signes de précrises
Moi j’ai cessé de chercher des causes. Les crises arrivent et c’est tout. Nous ne pouvons souvent pas les prévenir. Elles arrivent pour des causes tellement multiples que j’évite de trop me casser la tête avec ça.
Voici toutefois les signes de précrise jusqu’à la crise ultime :
- Augmentation de l’agitation
- Se joue dans les cheveux, soupire, devient brusque…
- S’obstine, dit le contraire des autres
- Semble irritable et anxieux
- Veux contrôler, faire à sa façon
- Répond « non » à presque tout
- Commence à manquer de politesse. Pas au point de punir mais d’avoir un avertissement (ex : répond très « sec » quand on lui parle)
- Sourit peu, semble distrait ou envahi
- Veut s’amuser mais avec un caractère peu agréable, au point où nous n’avons plus de plaisir à être ensemble
- N’accepte plus aucun commentaire ou critique positive
- N’accepte plus notre aide
- C’est la faute à tout le monde sauf à lui (elle)
- Excuse ses comportements par des raisons complètement hors propos (ex : Je suis fâché mais c’est de ta faute, tu avais juste à pas me parler)
- Commentaires ou mots impolis
- Crie
- Lance
- Traite de nom
- …
Et c’est la crise! Hulk est apparu
Quand l’enfant est vraiment en crise, il faut l’aider à se calmer. Même si on tente de le raisonner ou pire, d’argumenter avec lui, on empire les choses. Tout ce que vous direz sera sujet à nourrir la crise. Ici, il faut garder en tête que la crise n’est pas volontaire et n’est que le résultat souvent d’un malaise, de la fatigue, de l’impulsivité et de l’anxiété TDA(H). Ne prenez pas personnel ce que votre enfant vous dit. Moi je n’écoute même plus. Je me mets en mode « intervention de crise » et je suis prête à intervenir. Et mieux vaut intervenir vite et efficacement, que de faire durer la guerre qui s’éternise et qui fait bien du dommage.
J’ai travaillé avec mon conjoint à ce qu’il reste neutre lui aussi. Car il avait tendance à crier plus fort que notre garçon, tentant de lui faire entendre raison et d’imposer sa discipline à ce moment.
Trèèèèèès mauvaise réaction
Mon fils pouvait alors lui dire des choses inimaginables que normalement il ne dirait jamais. Du genre « je veux que tu meures, tu es le plus nul au monde, je ne t’aime plus… Et plusieurs autres phrases du genre, difficiles à entendre d’un parent. Mon conjoint aussi impulsif et TDA(H), réagissait encore plus fort et la guerre se poursuivait. Et pauvre de moi qui devait alors gérer les deux complètement émotifs qui perdaient tous leurs moyens.
En revanche à mon niveau, étant donné que je n’argumentais pas avec mon fils, jamais il ne m’a passé ce genre de commentaire et il acceptait beaucoup plus positivement mon aide pour se calmer. Mon conjoint a depuis compris de ne pas ajouter à la crise. Nous avons même convenu que je sois celle qui intervienne le plus souvent lors de ces moments. Toutefois lorsque mon conjoint est bien patient, il s’implique positivement dans cette gestion de crise avec moi.
Bon… Ne pas mettre de l’huile sur le feu, mais quoi faire alors ?
Effectivement, il faut réagir! Nous n’avons pas du tout à subir les crisettes de M. Hulk parce qu’il n’a pas eu ce qu’il voulait. Il n’est pas dans son assiette ?! Ce n’est pas de notre faute et nous n’avons pas à endurer ses sautes d’humeur.
Prévention-active: On intervient en action pour éviter ou calmer la crise
J’aime beaucoup la prévention. L’intervention à faire avant qu’il ne soit trop tard. L’intervention qui empêche l’explosion qui est tellement inutile et qui fait souvent du dommage. Donc, lorsque je vois les comportements de la précrise, j’avertie clairement mon fils qu’il doit se calmer.
Je ne rentre même pas dans les « pourquoi et les comment » qui n’en finissent plus. Je cible tout simplement son état d’âme.
1ère étape
Je commence à lui refléter ce qu’il dégage : « Mon chéri, je pense que tu as besoin d’une pause. Ça fait dix minutes que tu t’obstines et tu n’endures plus personne. » Je l’invite à aller dans sa chambre pour se calmer avec un ton de voix ferme mais calme.
S’il continue…
2e étape
« Va te calmer dans ta chambre mon chéri, parce que sinon on s’en va vers une chicane et ça ne me tente pas. Vais y, après ça va aller mieux. »
S’il continue…
3e étape
« Peu importe la raison qui fait que tu es fâché, en ce moment la seule chose à faire est de te calmer. Est-ce que je t’amène dans ta chambre ou tu y vas seul? » (en appuyant sur le mot « seul »)
S’il y va, je le félicite. « Bravo mon chéri, bonne décision ».
S’il n’y va pas, je l’amène! En silence mais de façon affirmée. Ici, on ne rigole plus. Plus d’avertissement, plus de chance. Soit il ferme la porte de lui-même, soit je le fais. Souvent la porte claque mais je tolère. Le retour sur la situation sera pour plus tard.
La seule consigne, la seule exigence est le retour au calme. Je n’argumente pas. Je ne parle pas avec lui à travers la porte. Je le laisse tout seul se calmer.
Plus jeune, il lançait des choses sur sa porte. À ce moment j’ouvrais la porte, me plantait dans le cadrage en lui donnant qu’une seule consigne : « Tu ne lances pas! » avec une posture de géante-policière très affirmée. J’ajoutais de gros yeux fâchés en gardant le silence. Le silence affirmé est plus puissant que l’argumentation. Il s’apprêtait à prendre un objet pour le lancer, je m’approchais d’un ou deux pas et lui répétant la consigne très lentement mais affirmée. Après on garde le silence. Un gros silence puissant.
Ça faisait l’effet recherché! Dès que je voyais que je pouvais refermer la porte, je quittais sa chambre et le laissait se calmer. Après quelques minutes, lorsqu’il avait ventilé et dit tout ce qu’il avait à dire à ses murs de chambre, je lui demandais à travers la porte s’il voulait que je l’aide à se calmer. S’il disait non, je lui nommais qu’il pouvait m’appeler lorsqu’il le voudra. S’il disait oui, c’était le signe qu’il était prêt à recevoir mon aide.
Il ne faut pas argumenter avec notre enfant. À cette étape, on ne fait que l’aider à ventiler et mettre les bons mots sur ce qu’il dit.
Par exemple :
- Lui : Mon frère c’est un con!
- Moi : Je comprends… il t’a fâché.
- Il fait toujours ça!
- C’est vrai que tu lui as dit au moins cinq fois d’arrêter et il ne t’a pas écouté.
- Il est nul et je le déteste!
- Tu détestes ce qu’il t’a fait et c’est normal. Moi aussi ça me fâche quand on me fait ça.
- …
Bon vous pouvez vous imaginer la suite. Une fois qu’il s’est senti compris et que je l’ai aidé à mettre les bons mots sur la situation, je joue au juge pacifiste. Je ramène ce qu’il a vécu. « C’est vrai que ton frère a eu un mauvais comportement. Ça t’a fâché et je comprends. Ce n’est pas plaisant du tout ».
Ensuite je fais un retour sur ses actions à lui.
« Tu as bien agi en lui nommant correctement d’arrêter. C’est vrai qu’il a continué. En revanche mon coco, tu t’es fâché très vite et tu n’as pas compris qu’il voulait t’expliquer quelque chose. Tu lui as dit des gros mots et c’est pour ça qu’il a continué à se chicaner avec toi. Et des mots comme ça, je n’en veux pas dans ma maison. Ce sont des mots qu’on ne dit jamais et surtout pas lorsqu’on aime la personne. Ça fait beaucoup de peine. »
Une fois bien calme, je l’aide à s’excuser et à nommer se qu’il l’a déragé à la bonne personne. Souvent il a besoin de mon aide pour le faire. Il a sa fierté quand même!
Un apprentissage, petit pas par petit pas
À force de l’accompagner dans la « douceur-affirmée » comme je dis souvent, et d’avoir intervenue en prévention aux crises (avant que ça dégénère), mon fils a appris à aller se calmer seul dans sa chambre. Nous n’avons qu’à attendre qu’il nous revienne. Les tempêtes sont de plus en plus rares et moins intenses. Ça fait longtemps d’ailleurs que j’ai vu Hulk. J’ai encore des petits Hulk mignons mais très gérables. Il va souvent se retirer par lui-même maintenant.
Ce qu’il faut vraiment éviter dans les épisodes de crise est l’argumentation
Il faut être ferme dans notre demande de retour au calme et quand on lui demande d’aller dans sa chambre. Mais lorsque c’est ainsi, je ne vois pas cela comme une punition. Mais plutôt comme une occasion de lui enseigner à contrôler positivement ses émotions. Aussi hors de notre vue, les chances que ça dégénère sont moins grandes. Parce que ça vient nous chercher. Et pour tout parent impatient ou sensible, se faire traiter de tous les noms est quelque chose de vraiment difficile à gérer.
En crise même chez les adultes, il n’y a plus de contrôle. Ajoutées à l’impulsivité du TDA(H), les émotions et les paroles deviennent disproportionnées. Il ne faut même plus les écouter.
Le seul but à garder en tête : Uniquement le retour au calme.
Ensuite on fait un retour positif et on l’aide à réparer la situation si vous jugez que c’est nécessaire.
Et n’oubliez jamais que votre « vrai enfant », celui qu’il ou qu’elle est vraiment, est l’enfant qui est devant vous souriant, joyeux et charmant. Votre vrai enfant est votre petit agneau colleux qui ne demande qu’à vous aimer et à être aimé de vous. Et votre plus grand amour à lui donner, est votre douceur-affirmée lorsqu’il vit une crise. Sentir qu’on nous aime malgré nos erreurs et nos défis, est le plus grand des amours.
Et courage les parents. Les crises finissent souvent par disparaître avec l’âge. Ou du moins, elles se gèrent plus facilement et adéquatement. Chez nous, elles ont presque disparu. Et lorsqu’elles arrivent, mon fils va de lui-même dans sa chambre. Bon… j’avoue que la porte claque fort mais je tolère. Il prend le temps qu’il lui faut pour se calmer. On fait un retour positif par la suite.