La punition et l’enfant autiste

La punition et l’enfant autiste
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Par Rachel Ouellet


Il y a une tendance humaine de cibler davantage les mauvais comportements dans les agissements des enfants, qu’ils aient un trouble du spectre de l’autisme ou non. Nous visons et punissons les comportements inadéquats en espérant que les enfants apprennent à ne plus les faire. Il est important d’apprendre aux enfants ce qu’il ne faut pas faire, comme de frapper par exemple, mais nous oublions le plus important, soit de leur apprendre ce qui est attendu d’eux. Tous ces comportements adéquats, qui nous semblent pourtant si évidents. Mais des enfants restent des enfants, et apprendre à avoir les bons comportements fait aussi partie de leurs apprentissages de vie. 

Dû à leurs impacts peu agréables, nous réagissons sur le coup en empêchant et/ou en punissant les comportements non désirés de l’enfant. Les interventions sont donc réalisées une fois la situation arrivée. Une fois que nous faisons face au problème.


Les impacts de la punition

La punition est une des approches les moins efficaces à long terme pour tout apprentissage, car nous ciblons que ce qui dérange dans ce type d’intervention, plutôt que faire l’enseignement des comportements désirés. Elle nuit aussi à l’estime de soi si elle est trop fréquemment utilisée et encourage l’enfant à cacher ses comportements pour éviter les punitions. Autre information bien importante, le cerveau de l’enfant finit par « s’habituer à se faire punir » et il en arrive souvent à se rebeller ou à ignorer les tentatives de l’adulte de sévir. Malgré cela, c’est une approche encore trop utilisée par l’ensemble des adultes. Nous réagissons une fois le mauvais comportement observé, plutôt que de viser la prévention et l’enseignement. Aussi, pour être réellement efficace et avoir un impact positif, la punition doit être suivie d’apprentissages et de retours sur la situation, choses qui accompagnent rarement nos tentatives de discipline.

Mais je l’avoue, ce n’est pas toujours facile à faire. C’est tout un apprentissage pour l’adulte, ayant souvent été éduqué lui aussi de cette façon. Mais les temps changent, et nous savons aujourd’hui qu’il vaut mieux une approche d’autorité positive, qui vise principalement à enseigner les comportements attendus dans une discipline saine. Si vous souhaitez aller plus loin dans cet apprentissage, ma référence concernant l’autorité parentale est le livre maintes fois réédité, et écrit par Anne Bacus, L’autorité : Pourquoi, comment, de la petite enfance à l’adolescence des éditions MaraboutAprès plus de vingt ans, il a toujours une place de choix dans ma bibliothèque.


Lorsque nous intervenons sur un comportement problématique, souvent l’enfant autant que l’adulte sont émotifs. Et malgré que l’intervention vise à ramener le calme et l’harmonie, la punition apporte inévitablement un moment stressant et peu agréable pour les deux. De plus, la punition ne fait souvent qu’indiquer les comportements qui sont reprochés, souvent, sans offrir d’explications sur le pourquoi ils sont négatifs et comment se gérer autrement. Malheureusement lors de ces moments, nous n’enseignons pas le plus important, soit les comportements positifs et aimés des autres. Et pourquoi ils sont appréciés et seront gratifiés.

Beaucoup d’énergie est dépensée sur les comportements négatifs, mais souvent peu sur la valorisation des bons comportements. Imaginez-vous ceci : On vous demande de faire une tâche précise sans vraiment vous expliquer pourquoi vous devez la faire. En plus, vous détestez faire cette tâche qui a vos yeux a peu de sens. Plutôt que vous guider dans l’action, à chaque erreur on vous confronte et on vous punit sans vraiment vous expliquer pourquoi. Vous savez que vous devez faire la tâche, mais encore une fois, votre intérêt et votre compréhension n’y sont pas. Il y a de quoi rendre fou! Sans compter que la tâche qui aurait pu vous intéresser au départ devient rapidement désagréable et vous l’éviterez à l’avenir.



L’apprentissage des comportements désirés

Enseigner les comportements à faire et les encourager positivement est une forme d’apprentissage beaucoup plus efficace. Sans compter que tous y trouvent davantage de plaisir et d’intérêts à les faire. Ce type d’approche est basé sur le renforcement positif. « Si tu fais cela, tu y trouveras plaisir, gratitude et récompense ». Que ce soit une récompense matérielle et/ou sociale, comme d’être valorisé devant le groupe par exemple, naturellement vous serez beaucoup plus enclin à les reproduire. Tout être humain sera plus participatif et positif à répondre à ce qui est attendu s’il y gagne dans tous les sens. En revanche, même un adulte sera découragé et peu participatif si les seuls retours des autres sont des commentaires négatifs sur lui lorsqu’il fait des erreurs. Comme je dis souvent, il ne faut pas uniquement mettre notre énergie à gérer les mauvaises herbes d’un jardin pour qu’il soit beau. Il faut surtout mettre de l’amour, de l’engrais et du temps sur les plantes que nous voulons voir pousser, pour que le jardin soit éventuellement à son plein potentiel. Les bonnes plantes prendront toute la place et étoufferont naturellement les mauvaises herbes.

Enseigner les comportements attendus donne aussi un mode d’emploi positif à suivre et guide l’enfant dans le bon chemin. Pour vous donner une idée plus claire, il faudrait renforcer positivement la majorité du temps les bons comportements, surtout ceux que nous voulons enseigner et travailler, et punir qu’en dernier recours. La punition devrait aussi être accompagnée une fois le calme revenu, à des explications claires, et pourquoi ils sont à éviter ou socialement rejetés. Par la suite, expliquer comment d’autres comportements positifs pourraient répondre aux besoins de l’enfant s’il y a lieu. Par exemple, au lieu de se rendre jusqu’à se désorganiser en classe lorsqu’on vit une surcharge sensorielle et/ou émotive pour un jeune TSA, il peut demander une pause préventive où il peut se couper des exigences, des autres et des stimuli ambiants. Se rendre à une gestion de crise incontrôlable n’est ni bénéfique pour l’enfant autiste, ni pour les adultes et les autres enfants qui en sont témoins. Les interventions préventives sont toujours les meilleures!


L’enfant avec le spectre de l’autisme

Ces explications sont bonnes pour tous les enfants typiques, voire aussi pour tous les humains peu importe leur âge. Ils sont encore plus importants lorsqu’on parle de la personne autiste. Rappelez-vous qu’elle ne perçoit pas le monde comme nous. Surtout très jeune, l’enfant ne comprend pas pourquoi ces comportements dérangent les autres, car sa compréhension des autres est limitée. Aussi et très important, il faut toujours se rappeler que sa compréhension en général est touchée. L’autisme est à la base avant tout un trouble de communication et de compréhension sociale. Si on ne lui enseigne pas d’une façon qu’il peut comprendre ce qu’il doit faire et pourquoi, comment voulez-vous que l’enfant apprenne? Quand on lui exprime que des interdits sans autres explications, ce sont uniquement les refus et les interventions de punitions qu’il perçoit. Et viennent alors des frustrations, de l’anxiété et même dans les pires scénarios, des troubles de comportements importants.

 Pour développer les bons comportements, il y a une règle vraiment importante : intervenir en prévention.

On évite le plus possible de donner que des consignes à la négative. La plupart des enfants, lorsqu’on leur dit « ne courez pas », ils entendent en premier le mot courir. Lorsque nous faisons cela, il faut alors que leur cerveau transforme le verbe « courir » en verbe « marcher ». Pour ce faire, ils doivent premièrement connaitre la signification des deux verbes, soit courir et marcher. Ce qui peut ne pas être encore compris de l’enfant. En deuxième lieu, ils doivent comprendre ce que signifient les mots « ne pas », soit un interdit. Dernière étape cognitive, il faut déduire que si on ne peut pas courir, normalement ce que les autres attendent de nous, c’est de marcher. Vous remarquez le nombre de processus cognitifs qu’il faut faire pour comprendre et répondre à ce genre de consigne. Si on pense à l’enfant autiste, fort probablement qu’il s’est perdu dès la première étape, soit de comprendre les mots qui ont été dits. Il faut aussi qu’il comprenne en premier que la consigne était pour lui. Il est fort à parier que la consigne verbale finit par se perdre dans la brume et qu’elle ne soit pas traitée. Il en est de même pour l’enfant ayant un trouble de l’attention (TDA/H) pour qui la consigne fait partie des centaines de stimuli à traiter en ayant peu d’attention et de contrôle sur son impulsivité. Et finalement, personne n’arrive à ses fins. Ni l’adulte qui donne la consigne, ni l’enfant qui, malgré son désir de se conformer, ne traite cognitivement pas la demande.


Viennent à la rescousse les stratégies d’intervention

En utilisant le soutien visuel, on augmente de façon significative les chances qu’un et l’autre se comprennent. Aussi en utilisant le soutien visuel, on intervient en prévention et on s’assure que l’enfant sache ce qu’il faut faire à l’avance. Et de cause à effet logique, il évitera ce qu’il ne faut pas faire tout simplement.

Si est peu verbal, une bonne stratégie est d’avoir toujours en main des photos, des pictogrammes ou des soutiens visuels compris de l’enfant (adaptés à sa compréhension) pour lui expliquer ce que nous attendons de lui. Il doit attendre sur la chaise? On lui montre une photo lorsque l’enfant est assis sur une chaise, ou un simple pictogramme s’il le comprend, en lui donnant la consigne verbalement. Il n’a pas le droit d’aller à un endroit précis, souvent pour les autistes non verbaux, une ligne rouge collée au plancher délimite les endroits où il n’a pas accès. On veut qu’il marche lentement dans le corridor, car c’est un petit vite qui a tendance à courir partout lorsqu’il se déplace? On lui montre le pictogramme de marcher. On peut aussi lui montrer qu’il doit tenir la main à l’intervenante ou à son parent lorsqu’il se déplace. On lui présente bien évidemment avant d’être dans le corridor ou dans le stationnement. Et donner directement le bon modèle en marchant doucement tout en donnant la consigne, fera aussi un bon travail pour ceux et celles qui comprennent bien le langage verbal.  

Bref, les exemples pourraient être nombreux où ces interventions et outils peuvent être utiles. Concernant les outils, il faut surtout s’assurer de les avoir en main, ce qui est le plus important et qui pose problème régulièrement. Pas besoin d’avoir une collection de pictogrammes à ne plus finir. Juste ce qui est pertinent. Le porte-clés à photos ou à pictogrammes est souvent facilitant pour donner nos consignes au bon moment. Visez davantage les comportements attendus plutôt que ceux à ne pas faire. Évitez les pictogrammes avec des barres rouges ou les « X » pour montrer l’interdit. Allez plutôt vers ce qu’il doit faire.

Le tableau des comportements attendus est aussi intéressant. Il faut éviter d’uniquement les écrire en les appuyant par des images, car encore une fois, on veut que l’enfant autiste puisse les traiter le plus rapidement possible. Bien important : évitez d’en mettre trop à la fois. Uniquement garder les comportements sur lesquels vous voulez travailler.

En ce qui concerne la gestion des comportements, la première étape est d’enseigner les comportements attendus et de les renforcer positivement. Si cela ne suffit pas malgré que la personne autiste comprenne réellement ce qu’elle doit faire, la racine du problème se trouve forcément ailleurs. Par exemple, même si elle sait qu’elle doit rester assise, il se peut que pour une raison comme une surcharge sensorielle, qu’elle n’arrive pas à répondre à notre demande. On lui demande de s’habiller en même temps que les autres élèves dans un corridor bondé. Malgré tous leurs bons vouloirs, la plupart des enfants TSA n’y arriveront pas. Trop de stimuli, trop d’actions, trop de gens. Leurs cerveaux n’en sont pas toujours capables!



Comme tout autre être humain, il faut garder en tête que la personne autiste tente réellement de répondre à ce qu’on attend d’elle. Elle veut éviter de tout son cœur les moments difficiles et stressants. Jamais elle ne fait exprès ou veut « tester les limites » comme j’entends malheureusement trop souvent. Personne ne se dit juste pour le plaisir comme ça, « Tiens…aujourd’hui, je souhaite perturber complètement ma classe ou faire paniquer ma famille. Je vais me désorganiser juste pour le plaisir. Ça va être drôle. » Qui pourrait trouver ce jeu intéressant? La personne autiste vit tellement d’incompréhensions, de surcharges et d’anxiété quotidiennement, sa vie est déjà assez compliquée comme ça. N’imaginez même pas que ce soit divertissant pour elle. Quand on veut vraiment aider une personne autiste, il faut toujours garder en tête que les comportements ne sont que le reflet des besoins autistiques non compris et non répondus.


La base pour comprendre la personne et l’aider se trouve toujours dans son fonctionnement autistique.


*Pour voyager encore plus loin dans le monde du TSA et avoir des outils et des stratégies qui répondront à tous vos besoins concernant l’accompagnement d’une personne ayant le spectre de l’autisme, je vous suggère la lecture de monde livre, Autisme de la collection La boîte à outils des éditions de Mortagne.