Pour en finir avec l’ajustement de la médication TDA(H)

Pour en finir avec l’ajustement de la médication TDA(H)
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Tout savoir sur les psychostimulants que prend votre enfant


Par Rachel Ouellet


Les dernières études scientifiques sur les psychostimulants, médication que nous donnons à nos enfants TDA(H), démontrent clairement les bienfaits qu’ils ont sur le développement de leur cerveau à long terme. Une meilleure attention offerte par le psychostimulant permet un développement plus efficace des fonctions exécutives du cerveau en général, et favorise les apprentissages de toutes sortes. De plus, ils aident grandement à leur intégration sociale, en leur permettant d’être plus attentifs aux autres, et d’avoir des comportements plus adéquats. En diminuant entre autres l’impulsivité, l’agitation et en aidant dans la gestion des émotions. Cela dit, le but de cet article n’est pas de parler des avantages de la médication, mais plutôt d’apprendre à bien la connaître, pour qu’elle reste aidante pour les parents qui font ce choix pour leur enfant. Car mal utilisée ou en trop grande dose, nous pouvons rapidement nous retrouver dans l’enfer des ajustements et des effets secondaires. Si toutefois vous voulez mieux comprendre les impacts positifs des psychostimulants sur le développement du cerveau chez l’enfant TDA(H), je vous suggère de lire les recherches en neuroimagerie, en référence à la fin de l’article.



Ce qu’il faut savoir

Premièrement, le TDA(H) est cyclique! Il est encore difficile pour les chercheurs de comprendre pourquoi, mais il semble que le cerveau ayant un trouble de l’attention passe par des hauts et des bas dans son fonctionnement. La personne aura 2-3 semaines positives, où elle se sent bien et fonctionne à son meilleur. Viendra ensuite une période de quelques jours, où le cerveau s’embrouille et peine à fonctionner au quotidien. La personne TDA(H) devient alors plus anxieuse, plus irritable et les symptômes reviennent au galop. J’appelle ces moments de dysfonctionnement, la « période creuse ou le bogue TDA(H) ». Comme un ordinateur qui ralentit et ne termine plus de charger, le cerveau TDA(H) perd de son efficacité et les connexions sont limitées.

Ce moment dure de quelques jours à une semaine environ. Et comme par magie, une fois le cerveau « débogué », il retrouve son fonctionnement normal. Du moins, comme il peut l’être à son meilleur. C’est pourquoi votre enfant passe de petit chaton affectueux, relativement fonctionnel malgré son TDA(H), à complètement perdu, oubliant tout, devenant anxieux, irritable, voire opposant et très désagréable. L’enseignante vous écrit alors un mot dans l’agenda, en vous demandant si vous lui avez donné son médicament, décrivant des comportements difficiles pendant la journée. Et pourtant, vous lui donnez à chaque matin sans exception. Il est normal, autant pour l’enfant que pour l’adulte, d’avoir des périodes efficaces et des périodes creuses. Le cerveau TDA(H) a un « petit bogue » de temps en temps! Une fois qu’il aura tout replacé dans les bonnes cases, il retrouvera son fonctionnement normal comme on le connaît, à son meilleur.

Une fois que nous comprenons ceci, il est important de comprendre que la médication n’enlève pas du tout ce cycle! Il restera toujours. Cependant, lors de la période efficace, votre enfant sera encore plus fonctionnel avec la médication. Et lors de la période creuse, celle-ci sera moins importante que sans la médication.

Pour reconnaître les épisodes cycliques, je suggère toujours aux parents pendant deux mois consécutifs au minimum, d’inscrire sur le calendrier si la journée a été bonne en général, moyenne ou difficile. Peut-être avec un code de couleurs vert, jaune et rouge. Ainsi vous verrez le temps que durent les cycles, et vous repérerez mieux quand arrivent les périodes creuses. Pendant ces périodes, on diminue les activités et ce n’est peut-être pas le bon moment de trop en demander à votre enfant. À l’inverse, lors de ses bonnes périodes, nous pouvons en profiter.



Ce qui augmente l’intensité des périodes creuses

  • La fatigue
  • Le manque de sommeil
  • Le stress
  • Un moment de la vie plus exigeant (déménagement, période d’examen…)
  • Les tensions familiales
  • Mauvaise alimentation
  • Le manque d’activité physique
  • La maladie
  • Pour les adultes, la consommation en général

Commencer la prise de médication

La médication possède sa propre chimie et le corps, la sienne. Intégrant une nouvelle molécule dans le système, le corps doit s’y habituer. Il est donc normal que cela change le fonctionnement du système interne de votre enfant pendant un temps. Une fois que le corps s’habitue, il devrait normalement ne plus avoir d’effet indésirable. Il faut laisser le temps au corps, pour apprendre à gérer et à tolérer cette nouvelle molécule. Il est donc important de suivre la séquence d’intégration proposée par le médecin. Comme parent et intervenant, profitons de ce temps d’intégration pour observer les effets positifs et négatifs que nous remarquons. Notez-les pour les partager au pédiatre par la suite. Demandez aussi à son enseignant ce qu’il observe. Si votre enfant est assez vieux, demandez-lui d’observer comment se passent ses journées.

Il faut aussi prendre le temps de voir si les effets négatifs s’estompent. Ils peuvent durer quelques jours, mais disparaître complètement si on se donne le temps nécessaire, et que la molécule soit vraiment appropriée pour lui. Comme il est présenté dans le tableau du guide de pratique canadien en TDA(H), visuel que vous trouverez plus bas, la première dose pour débuter est minime. Le médecin vous proposera éventuellement de l’ajuster si nécessaire, selon le poids et l’âge de votre enfant. Avec l’accord du médecin, supporté par le pharmacien, elle peut être augmentée par la suite, si vous jugez ensemble qu’elle fait peu d’effet. Si les effets sont positifs, peu importe la dose, que nous avons l’impression que notre enfant est à son meilleur, ON NE TOUCHE PLUS.



Une erreur importante que nous faisons régulièrement est de ne pas considérer le cycle TDA(H). Il y aura toujours des périodes creuses. L’enseignant nous appelle pour dire que ça ne va pas bien depuis quelques jours à l’école, et vous aussi avez remarqué que c’est une période plus difficile à la maison. Alors tout le monde se dit « qu’il faut augmenter la médication ». Non, pas du tout! Ce n’est surement qu’une période creuse. Médication ou non, elle fera son apparition éventuellement. Le cycle total dure environ un mois : total de bonnes et moins bonnes périodes. Un peu comme le cycle menstruel. 😉 Attendez au moins une semaine pour voir si la période creuse finit par passer, avant même d’appeler le docteur pour une augmentation. Si elle passe et que tout revient à la normale, ON NE TOUCHE PAS À LA MÉDICATION.

Si nous l’augmentons pendant la période creuse, votre enfant pourra se retrouver en surdose lorsque celle-ci passera. Alors vous tomberez dans les effets indésirables d’une trop grande quantité de médicaments. Une trop grande dose de médication est pire que ne pas en donner. À trop grande dose, les psychostimulants rendent encore plus agité et hyperactif l’enfant. Ils apportent une forme d’excitation et d’anxiété interne. Ils augmentent l’irritabilité, coupent l’appétit davantage et nuisent au sommeil. Votre enfant semblera encore plus TDA(H)! Il pourra même devenir plus agressif et opposant. Mais ce n’est pas nécessairement la médication qui n’est pas appropriée pour votre enfant, mais plutôt qu’elle est en surdose. Si la dose précédente donnait de bons résultats, on ne change surtout pas de médication. On ne fait que retourner à la dose antérieure. Si tout revient à la normale, ON NE TOUCHE PLUS.


La médication ne fait pas disparaître le TDA(H)

L’erreur suivante et la plus importante, c’est de penser que la médication fait disparaître le TDA(H). Le trouble de l’attention est une différence neurobiologique dans le cerveau lui-même, et il restera, peu importe la médication donnée. La médication atténue les symptômes et aide votre enfant à être plus attentif. L’attention étant la porte d’entrée à son cerveau, si elle est très faible, il se développera moins bien. Si elle est augmentée par la médication, le cerveau pourra faire plus de connexions à court et à long terme, et éventuellement avoir un meilleur fonctionnement. Mais comme nous voulons avoir des résultats parfaits comme par magie, nous misons tout sur la médication dans le « ici et maintenant ». Ceci est vrai pour les parents, mais aussi pour les intervenants scolaires qui aimeraient bien que la médication règle tous les problèmes. La médication a ses limites. Une fois bien dosée, il faut pallier les difficultés qui restent par des adaptations TDA(H).



La dernière erreur qui revient souvent, est de penser que tout à coup, la médication qui fonctionnait si bien depuis des mois ou des années, ne fonctionne plus. Sauf exception, si elle fonctionnait bien, il n’y a pas de raison pour qu’elle devienne problématique du jour au lendemain. Très souvent, les problèmes arrivent lorsque nous avons augmenté la médication. Ayant eu une période difficile, on se dit que la médication « ne fait plus effet ». On augmente alors et nous nous retrouvons dans le cycle malsain de la surdose. Les effets secondaires d’une surdose ressemblent aux symptômes du TDA(H). Alors on pense que le médicament ne fonctionne plus. PAS TROP VITE! Avant toute autre chose, revenez à la dose précédente pour voir si tout revient à la normale. Si tel est le cas, ON NE TOUCHE PLUS.

Augmenter la médication parce qu’elle ne fait plus assez effet, devrait arriver très rarement et pour des raisons très logiques. Par exemple, que votre jeune ait pris plusieurs centimètres dans la dernière année et que plus un seul pantalon lui fasse. Mais encore! Le poids de votre enfant doit avoir beaucoup augmenté pour nécessiter réellement une augmentation significative.


Effets secondaires

Encore une fois, étant une forme de « chimie corporelle », il se peut que votre enfant réagisse moins bien à une sorte de médicament et mieux à une autre. Ce qui est important est de trouver la bonne molécule pour votre enfant. Le meilleur signe que la médication est adaptée, est que votre enfant fonctionne au mieux de lui-même, selon ce que vous connaissez de lui. Il ne changera pas avec la médication. Il restera lui-même. Mais la médication devrait l’amener à être à son meilleur, si elle est bien ajustée. Cela dit, il y aura encore des bogues TDA(H). C’est normal. Nous devons les considérer. Mais avec une bonne médication, les périodes creuses devraient être moins intenses. Les effets secondaires devraient presque complètement disparaître, en laissant au corps du temps pour s’y adapter.

L’effet secondaire, qui reste normalement peu importe la médication, est une baisse d’appétit sur l’heure du dîner. La médication donne son plein effet en fin d’avant-midi et donc, c’est à ce moment que l’appétit est diminué. Mais ce n’est pas grave du tout si votre enfant mange bien le matin et le soir. Qu’il se rattrape par des collations santé pendant la journée. L’autre effet souvent observé, est les difficultés d’endormissement. Souvent, c’est parce que nous donnons la médication trop tard le matin. Les médicaments longue durée font effet de 10 à 12 heures. Bien que les effets bénéfiques aient cessé, le médicament peut encore rendre difficile le sommeil deux heures après sa disparition du système. Donc, surtout pour les petits qui s’endorment difficilement et qui réagissent davantage aux médicaments, nous devons compter de 12 à 14 heures d’effets. Donc si vous donnez la médication à 8h le matin et qu’il se couche à 19h, les chances qu’il s’endorme difficilement sont importantes.

Pour régler le problème, ce doit être la première chose qu’on lui donne le matin. La médication prend environ 30 minutes pour faire effet. Il aura le temps de manger avant la potentielle perte d’appétit. La routine du matin va aussi être plus agréable, car vous profiterez vous aussi d’une meilleure attention chez votre enfant.


Les familles de psychostimulants

Voici le tableau des médications TDA(H) du guide CADDRA, que nous trouvons facilement sur le web. Il vous montre les familles de médicaments utilisées pour le traitement pharmacologique. Les plus connus sont les méthylphénidates, soit la famille du Ritalin, le Biphentin, le Concerta et le Foquest. Ce sont normalement par eux que nous commençons, car ils sont les plus étudiés et les plus connus dans le traitement du TDA(H). Ils donnent aussi souvent moins d’effets secondaires. Si on se réfère à ce guide de référence, le Ritalin dure environ 4h et doit être donné chez l’enfant le matin et le midi, ce qui le rend moins intéressant. Nous devons demander alors aux intervenants scolaires de donner la deuxième dose, ce qui complique les choses. Le Biphentin et le Concerta, sont à longue durée. Il faut donc normalement qu’une seule dose par jour. Le Concerta est le plus contrôlé et le plus stable dans sa libération, étant donné son compartiment pousseur, qui libère tranquillement la dose tout au long de la journée. (*Voir le 2e soutien visuel)



La seconde famille est les amphétamines, comme le Vyvanse et l’Adderall. Si l’enfant réagit moins bien à la famille Ritalin, le pédiatre tente souvent la deuxième pour vérifier si les effets sont meilleurs. Notez toutefois qu’un enfant peut réagir très différemment à deux médicaments dans la même famille. Par exemple, mes deux garçons ont mal réagi au Biphentin (beaucoup d’effets secondaires), mais mon plus vieux a très bien réagi au Concerta de la même famille. Mon plus jeune, n’avalant pas la pilule, nous nous sommes tournés vers l’Adderall, qui fait un très bon travail chez lui. Certains médicaments sont testés parce que l’enfant n’arrive pas à avaler les pilules. Le Biphentin et l’Adderall par exemple, s’ouvrent et peuvent se prendre avec de la compote ou du yogourt par exemple.

Il y a deux autres médicaments qui ne font pas partie des psychostimulants, comme le Strattera et l’Intuniv, qui sont normalement testés lorsque les deux premières familles donnent de moins bons résultats. Souvent pour accompagner un psychostimulant, en traitant des effets TDA(H) différents. Par exemple, une pilule pour l’attention, et une autre qui cible plus précisément l’impulsivité.

Il est important de développer un partenariat d’équipe avec le docteur de votre enfant. Ce seront toujours le médecin et le pharmacien qui resteront les spécialistes de la médication. Notre rôle comme parents et intervenants, est d’apporter aux rendez-vous le plus d’informations concrètes et pertinentes, pour que le médecin puisse prendre la meilleure décision. D’où l’importance de noter vos observations dans un calepin par exemple, pendant la période d’essai. Soyez objectifs. Il y a une différence notable dans la qualité d’informations selon les phrases suivantes: « mon enfant a des troubles de sommeil » et « une fois ou deux par semaine, il a de la difficulté à s’endormir. » Ou encore, « qu’il ne mange plus », versus, « à l’école il peu d’appétit, mais il mange bien au souper et prend plusieurs collations. » Plus l’information est juste, plus ils sauront vous aider. Et n’oubliez surtout pas les périodes creuses. Il y aura de meilleurs moments et des moins bons.



Lorsque la médication « débarque »

La médication a supporté le cerveau de votre enfant toute la journée, mais à l’heure du souper, elle accroche son tablier. Elle a fait son travail, a terminé sa journée et elle quitte le corps de votre enfant. Le cerveau de celui-ci se retrouve alors à pédaler tout seul. Le TDA(H) dans toute sa splendeur reprend le gouvernail. Il est normal d’observer une période qui dure environ 30-45 minutes, d’augmentation de l’agitation ou d’une forme de désorganisation, lorsque la médication ne fait plus effet. Le cerveau doit reprendre le contrôle de son fonctionnement habituel de TDA(H) sans la médication. Il y a un ajustement normal qui est observé et qui apporte souvent une hausse des comportements. Et bien évidemment, c’est souvent vers l’heure du souper que ça arrive.

Votre enfant était calme voilà cinq minutes, et il devient une tornade tout à coup. Il faut donc planifier ces moments pour mieux les gérer et garder notre patience. Après la courte période de réajustement passée, normalement la petite tornade passe et l’enfant revient à la normale, dans ce qu’il est sans la médication. Encore une fois, cette période « après médicament » n’a pas de lien avec la médication en tant que telle. Si vos fins de journées sont difficiles, parlez-en à votre médecin. Mais les solutions se trouveront davantage dans les adaptations que vous devrez mettre en place pour passer de meilleures soirées.

Vous trouverez de nombreux trucs et astuces dans plusieurs de mes articles sur le TDA(H) du blogue Hapax et sur la page Facebook. Pour mieux accompagner nos p’tits cocos parfois agités ou dans la lune, qu’on aime tant!  En espérant que cet article vous guide dans votre cheminement dans la médication. Mieux vaut y aller doucement, mais de bien avancer pour obtenir de bons résultats. Et pour les parents, rappelez aux enseignants que l’ajustement prendra un certain temps, et que le TDA(H) ne disparaît pas. Des adaptations devront toujours être au menu pour aider ces enfants, et ce, même s’ils sont bien médicamentés. Pourquoi ne pas leur partager cet article, question de partir tous du même pied, et d’être une belle équipe soudée pour accompagner votre enfant.


ARTICLES DE RECHERCHES

Les psychostimulants auraient un effet positif sur le développement du cerveau des jeunes TDAH, par le CERC (nov.2015).

https://cerc-neuropsy.com/les-psychostimulants-auraient-un-effet-positif-sur-le-developpement-cerebral-des-jeunes-tdah/

Spencer TJ, Brown A, Seidman LJ, et al. Effet des psychostimulants sur la structure et la fonction cérébrales dans le TDAH : une revue qualitative de la littérature des études de neuro-imagerie basées sur l’imagerie par résonance magnétiqueJ Clin Psychiatrie . 2013;74(9):902-917. doi:10.4088/JCP.12r08287

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3801446/

Ivanov I, Murrough JW, Bansal R, Hao X, Peterson BS. Morphologie cérébelleuse et effets des médicaments stimulants chez les jeunes atteints de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivitéNeuropsychopharmacologie . 2014;39(3):718-726. doi:10.1038/npp.2013.257

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3895250/