La colère : une tempête électrique

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Mieux comprendre le cycle d’une crise émotionnelle


Par Rachel Ouellet


Le dieu des tempêtes fait gronder le vent, les éclairs illuminent le ciel à une fréquence irréaliste et une pluie torrentielle se déverse dans votre salon! Pas de panique… le petit dieu va bien finir par s’en remettre de votre refus. Mais à ce moment précis, oubliez tout le reste : vous êtes en mode « intervention de crise ». Votre ménage se poursuivra plus tard et vous devrez faire une pause à votre émission préférée. Et oui, vous êtes parent et votre enfant vit une tempête émotionnelle.

Comme tout apprentissage, apprendre à gérer nos émotions prend du temps, de l’expérience, de l’aide et… de la pratique. Et c’est justement ce que fait présentement votre enfant, couché sur le plancher de votre salon. Il se pratique! Mais pour que ça se passe bien et que votre enfant apprenne de ces situations, vous devez vous mettre en mode coach et guider votre jeune à passer au travers sainement, sans lui crier dessus, ou pire, que vous vous mettiez vous-même en boule au milieu du salon en pleurant.

Retroussez vos manches : il faut agir maintenant! Voici des règles bien importantes à respecter pour gérer le dieu des tempêtes.


Avoir les bonnes attitudes devant la crise de colère


Le cycle d’une crise de colère

La crise de colère a son cycle. En fait, toute crise émotive suit ce même cycle. Que ce soit de l’anxiété qui cause la crise ou de l’agitation, le cycle d’une émotion est sensiblement toujours le même. Le cycle peut durer plus longtemps d’une fois à l’autre, mais passe toujours par les mêmes étapes : les éléments déclencheurs, l’escalade, la perte de contrôle, la descente en niveau et le retour au calme, souvent nommé comme la phase de récupération. Ces étapes sont importantes à connaître si on veut bien intervenir. Il y a aussi des interventions différentes à faire selon l’étape où en est la personne. Des interventions simples, mais qui doivent être faites aux bons moments, pour ne pas rallumer la tempête.



Étape 1 : L’élément déclencheur

Les crises arrivent pour des causes tellement multiples, que j’évite de trop me casser la tête avec ce point pendant l’intervention. Avec un jeune, une journée c’est un refus qui le fait sauter et l’autre, c’est le regard d’un autre élève qu’il a mal digéré. Les causes sont nombreuses et variées d’une personne à l’autre. Ce qui est important en revanche, est de cibler les signes et les comportements de « précrise » que la personne a eus avant la crise. Ainsi, je peux intervenir en prévention la prochaine fois et souvent l’éviter. Les signes de précrises nous indiquent que la tempête se prépare. Donc, lorsque j’observe un signe de précrise chez la personne, je note ce qui se passe à ce moment-là justement, ou qui s’est passé peu avant.

Il faut apprendre à l’enfant à reconnaître les éléments déclencheurs qui l’amènent en crise. Pour faire ce travail, il faut le faire lorsqu’il ou elle est redevenue disponible, soit au retour au calme complet. Que ce soit la journée même, mais ça peut aussi très bien se faire le lendemain ou le surlendemain. Tant que l’enfant arrive à se souvenir de ce qui s’est passé. Pour les plus petits, mieux faire le retour assez rapidement. Mais pour les plus grands, l’idéal est de choisir tout simplement le meilleur moment pour le faire. Lorsque le jeune est réceptif et prêt à faire cet exercice avec vous.

Pour vous aider, il est préférable d’utiliser du support visuel. L’outil visuel aide le jeune à faire de l’introspection, en voyant les choix qui s’offrent à lui et en lui permettant d’aller plus loin dans sa réflexion. L’outil permet de rendre la discussion plus agréable et moins autoritaire. Il supporte la mémoire, autant pour ce qui s’est passé, mais aussi pour enregistrer l’enseignement que vous lui présentez. Je vous propose les outils Le thermomètre de la disponibilité et Mes déclencheurs de tempêtes que vous trouverez dans la boutique Hapax.


Étape 2 : L’escalade ou la hausse en niveau

À cette étape, les comportements et l’attitude de l’enfant nous indiquent que nous nous dirigeons vers la crise. Il commence à argumenter, à s’opposer, à bouder ou à gigoter. Bref, on entend les éclairs de la tempête à l’horizon et le ciel commence à se couvrir de nuages noirs. Rien n’est perdu toutefois : nous pouvons encore éviter le pire en distrayant l’enfant, en l’éloignant de la situation ou en le supportant pour qu’il s’ajuste à ce qu’il vit, comme en calmant un début de conflit par exemple. La pause préventive est aussi fort utile!


Voici les signes d’une précrise colérique, jusqu’à la perte de contrôle totale

L’enfant…

  • Devient agité physiquement.
  • Se joue dans les cheveux, soupire, devient brusque…
  • S’obstine, dit le contraire des autres.
  • Semble irritable et anxieux.
  • Veux contrôler, faire à sa façon.
  • Répond « non » à presque tout.
  • Commence à manquer de politesse. Pas au point de punir, mais d’avoir un avertissement (ex. : répond très « sec » quand on lui parle).
  • Sourit peu, semble distrait ou envahi.
  • Veut s’amuser, mais avec un caractère peu agréable, au point où nous n’avons plus de plaisir à être ensemble.
  • N’accepte plus aucun commentaire ou critique constructive.
  • N’accepte plus notre aide.
  • Dit que c’est la faute à tout le monde sauf à lui (elle).
  • Excuse ses comportements par des raisons complètement hors propos (ex : Je suis fâché, mais c’est de ta faute, tu avais juste à ne pas me parler).
  • Dit des commentaires inadéquats ou des insultes.
  • Crit.
  • Dit des menaces verbales.
  • Lance des objets.
  • Frappe, donne des coups…

*Notez que les réactions de colère cachent souvent de l’anxiété. Les interventions préventives et éducatives doivent alors être adaptées aux bons déclencheurs.


Interventions à privilégier

À cette étape du cycle, toutes interventions préventives pour calmer la colère avant qu’elle augmente sont à mettre en place. Prendre une pause, s’éloigner de la situation, exprimer son désaccord et sa frustration, ou utiliser un objet de retour au calme, comme “Les distracteurs de tempêtes émotionnelles” que je vous présente dans un autre article du blogue.  


Étape 3 : Perte de contrôle – la crise

L’enfant, normalement doux comme un agneau, se déchire la chemise et se transforme. C’est la crise, Hulk est apparu! Quand l’enfant est vraiment en crise, il faut l’aider à se calmer. Répondre aux crises de colère et d’agressivité par de la colère et de l’agressivité, ne fais que grossir le problème. C’est comme dans les films d’Hulk. Plus l’armée tire avec ses tanks et ses bombes, plus Hulk grossit et devient agressif. Même si on tente de le raisonner ou pire, d’argumenter avec lui, on empire les choses. Tout ce que vous direz sera sujet à nourrir la colère.

La première chose à garder en tête est qu’une grande partie des comportements de crises émotionnelles, peu importe l’âge, sont incontrôlables : personne ne souhaite vivre des crises émotionnelles. Les gens regrettent leurs actions et paroles, et ils ont honte par la suite. Les crises émotionnelles ont de gros impacts sur l’estime de soi de la personne, particulièrement si elles arrivent fréquemment.



Interventions à privilégier

  • Assurer la sécurité de l’enfant et des autres en enlevant ce qui pourrait être dangereux.
  • Éviter de parler inutilement, sauf pour donner des consignes nécessaires (ex. : va te calmer dans le coin calme). Parler augmente toujours la crise, que ce soit pour un enfant ou un adulte.
  • Reconnaître l’émotion en reformulant ce que l’enfant vit. « Je comprends : tu es en colère. Ça te fait de la peine que les autres se moquent de toi. »
  • Laisser de l’espace à l’enfant. Rares sont ceux qui acceptent les contacts physiques à ce niveau, comme les câlins par exemple.
  • Rester disponible pour attendre le moment où l’enfant acceptera de l’aide pour se calmer.

*Restez calme : il n’y a rien d’autre à faire que d’attendre la descente et le retour au calme.


Étape 4 : Descente en niveau

La tempête commence à passer. Le vent tombe, les éclairs ont cessé et les nuages crachotent à peine de fines gouttelettes de pluie : c’est le début de la fin. Cette étape est importante pour le retour au calme et doit être gérée avec souplesse et patience. Car il en faut peu pour rallumer le tout. L’enfant est encore émotif et fragile. Ses émotions, quoique diminuées en intensité, sont toujours présentes. La colère, l’agitation ou l’anxiété, font souvent place à la tristesse et à la fatigue, qui amènent naturellement l’enfant à se calmer, étant des ressentis qui rendent plus amorphe.  


Indices

  • Les cris et la colère font place aux pleures et à la tristesse.
  • On peut recommencer à communiquer avec l’enfant, la discussion redevient possible.
  • Son énergie diminue.
  • L’enfant coopère lorsqu’on lui propose d’aller se calmer dans sa chambre, ou à notre bureau.
  • On peut avoir des contacts physiques avec lui ou elle (ex. : lui flatter le dos).
  • L’enfant accepte les moyens pour se calmer, comme le bonhomme Gloppy, les balles Moody Faces ou la balle NeoFlex, qui ont une texture parfaite pour se défouler. Ces moyens peuvent aussi être utilisés dans l’étape de l’escalade pour éviter la crise.

*Voir l’article du blogue Hapax, Les distracteurs de tempêtes, pour d’autres idées.


Interventions à privilégier

Si vous sentez que ce serait aidant, proposer un câlin pour les plus petits. Flatter les cheveux, le dos… Bref, un contact physique calmant qui dégage l’empathie pour les parents et seulement si on a un bon lien avec l’enfant, pour les intervenants. Ici, on ne commence pas à faire un retour sur la situation. On ne blâme pas et on ne dit pas des choses qui remettent de l’huile sur le feu : « tu vois ce qui arrive quand tu n’écoutes pas ». Nous sommes toujours en attente de l’étape du retour au calme. Il faut le calme complet avant de penser faire tout retour sur la situation. Pour les plus vieux, c’est souvent à cette étape que je leur demande ce qui s’est passé : leur version de la chose. Cela permet de les faire ventiler*, et qu’ils sentent que nous sommes empathiques face à leur vécu. De notre côté, ça nous indique souvent d’où viennent les difficultés, les mauvaises perceptions qu’ils ont eues, et comment ils se sont sentis. Toutes des informations nécessaires pour pouvoir faire un retour efficace sur la situation par la suite.

*La ventilation émotionnelle est un terme emprunté à Peter Walker, thérapeute spécialisé dans le stress post-traumatique complexe. Cela consiste à parler de son vécu en libérant les émotions.


Étape 5: Retour au calme – récupération

La tempête est passée : le cerveau a terminé de subir des « court-circuits ». Nous commençons à voir l’enfant redevenir lui-même et la réflexion est de retour. Finalement, nous pouvons commencer à traiter la source du problème et régler ce qui doit l’être.

N’oubliez pas que malgré l’intensité de ces moments, et qu’ils soient désagréables pour tous, bien gérés avec les bons enseignements, ils permettent à l’enfant d’apprendre à gérer ses émotions. Si vous acceptez de jouer le rôle de coach calme et bien préparé, ces moments se géreront plus facilement et deviendront plus rares au fur et à mesure.

Il y a de très beaux apprentissages que nous pouvons faire avec les jeunes par les bonnes interventions. C’est ici qu’on entre en jeu et qu’on développe leur intelligence émotionnelle.


Les apprentissages suite à la tempête émotive :

  • Nous les accompagnons dans la crise et leur donnons du support. Malgré la crise, la personne aura l’impression d’avoir été accueillie et respectée dans son vécu difficile;
  • Nous les aidons à mieux gérer leur colère et à se calmer, en leur proposant des moyens adéquats pour le faire, ce qui va non seulement diminuer plus rapidement la crise, mais aussi leur enseigner quoi faire pour une prochaine fois (autorégulation);
  • Nous les aidons à comprendre les déclencheurs de leurs crises, et leur enseignons à comment les éviter au besoin. Aussi, quelles stratégies utiliser une prochaine fois, pour éviter de retomber dans ce genre de situation;
  • Nous les aidons à mettre des mots sur leurs émotions, en reformulant plus adéquatement ce qu’ils tentent d’exprimer. Ainsi, l’enfant aura de plus en plus de vocabulaire pour s’exprimer, et pourra plus facilement utiliser le langage plutôt que les comportements, pour gérer sa colère;
  • Nous permettons un retour sur la situation, pour les aider à mieux comprendre et dirigeons les enfants à réparer les dégâts. Pour les aider à sauver leur intégrité, apprendre à développer du courage et de l’humilité en assumant ce qu’ils ont fait.

Je suis très fière de mes jeunes lorsqu’ils arrivent à se rendre jusqu’au bout, et humblement s’excuser et réparer les dégâts. Pour apprendre aux enfants à réfléchir sur l’évènement émotif, je vous conseille d’utiliser les outils Hapax, le Mode d’emploi des excuses parfaites et Pour faire un retour efficace, suite à la crise. Pour que les situations difficiles et les moments de crise ne soient plus des épisodes honteux, mais deviennent plutôt des opportunités d’apprentissages.


Un apprentissage émotif, un pas à la fois

À force d’accompagner les enfants dans la « douceur affirmée » comme je dis souvent, d’être intervenu en prévention aux crises, de les avoir accompagnés dans leurs émotions, et en faisant de bons retours éducatifs avec eux, ils finissent par apprendre à se calmer par eux-mêmes. Arrive un moment dans leur développement, où nous n’avons qu’à attendre qu’ils nous reviennent de leurs petites et grandes tempêtes émotives, lorsqu’ils les vivent. Les tempêtes se feront de plus en plus rares, et moins intenses, plus l’enfant cheminera dans cet apprentissage. Parfois, vous verrez encore des petits Hulk ici et là, comme j’aime les surnommer, mais des Hulk mignons et mieux gérables. Après tout, la colère bien gérée de ce personnage coloré, a fait de lui un super héros.