Les signes que l’enfant autiste verbal est en crise à l’école

Les signes que l’enfant autiste verbal est en crise à l’école
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Des comportements d’opposition qui n’en sont pas

Écrit par Rachel Ouellet


Il peut être complexe de comprendre la crise autistique, particulièrement pour les intervenants en classes régulières et pour les parents qui découvrent l’autisme, car il faut bien connaître le fonctionnement TSA pour la saisir et bien intervenir. Pour avoir une idée de l’intensité de la désorganisation autistique, sachez qu’on la compare souvent à la crise de panique. Elle amène le cœur à battre à tout rompre. L’anxiété est si grande qu’on ne peut plus réfléchir. Tout devient agressant et anxiogène.

Ce ne sont pas toutes les personnes autistes qui vivent des désorganisations complètes qu’on appelle des crises autistiques. Mais on ne peut pas faire semblant que celles-ci n’existent pas et qu’elles ne posent pas des difficultés importantes, autant à la personne autiste qu’à celles qui ont à les gérer. La crise est une des principales raisons qui amènent les gens à demander de l’aide. Elle pousse les familles à sortir de moins en moins de la maison. À éviter tout ce qui pourrait la causer. Elle entraîne un bris de fonctionnement scolaire. Elle fait en sorte que les parents coupent leurs liens avec les autres membres de la famille lorsqu’ils sentent qu’on juge leurs compétences parentales. Combien d’entre eux ont entendu la phrase suivante d’un membre de leur famille: Amène-le-moi pour une fin de semaine et je vais te le replacer, ton jeune? On croit à tort que les crises sont le résultat d’un manque de fermeté des parents. Comment voulez-vous gérer une crise qui est due à des limites cognitives, à des manques de compréhension et à des surcharges sensorielles par des interventions autoritaires? Malgré leur volonté de sensibiliser les autres à l’autisme de leur enfant, les parents finissent par s’isoler socialement pour maintenir leur niveau d’énergie.  

Sans une compréhension clinique de base et des interventions appropriées, gérer les crises peut devenir un lourd fardeau. Penser que l’enfant a besoin de plus d’encadrement et d’autorité est une erreur qui, trop souvent, empire la situation. La spirale perdure et accélère de plus en plus. Vivant une désorganisation et recevant en retour des interventions inadéquates, le jeune devient encore plus anxieux et dysfonctionnel. Lorsque les crises sont trop intenses, des arrêts d’agir peuvent survenir, qui sont traumatisants autant pour lui que pour les personnes qui les effectuent. Ce genre de situation n’est apprécié de personne. Il faut se mettre dans la peau d’un enfant qui se fait maîtriser par un ou plusieurs adultes. Comme il est déjà envahi, l’effet cognitif et émotif est encore plus grand.


Il est encore plus complexe de saisir la crise autistique chez la personne autiste verbale.


Pourquoi? Parce qu’elle parle!

On se dit qu’elle devrait demander de l’aide au besoin ou dire ce qui la dérange par exemple. Elle devrait pouvoir faire comme tout le monde et s’adapter dans les imprévus ou lorsqu’il y a beaucoup de stimuli. Elle est en classe régulière, donc normalement elle devrait pouvoir se gérer, elle devrait pouvoir comprendre les autres, les sous-entendus, les concepts abstraits et tous les petits détails qui nous semblent souvent anodins. Mais non! C’est justement ces défis que la personne autiste de haut niveau de fonctionnement doit vivre à tous les jours. Et c’est justement travailler sur ces aspects en continu qu’une personne autiste verbale a besoin pour son bon développement à long terme.

Lorsque nous analysons l’enfant autiste de cette façon, nous oublions, voire nions les besoins autistiques de la personne. Personne autiste très fonctionnelle ne veut pas dire « pas vraiment autiste! » On est autiste ou on ne l’est pas. Le fait d’être en classe régulière ne fait pas d’eux des enfants parfaitement bien intégrés. Le fait qu’ils sont en classe régulière fait d’eux des enfants avec un potentiel intellectuel et académique suffisant pour apprendre les matières scolaires comme les autres enfants. Cela dit, ces enfants sont autistes et le resteront toute leur vie.



Les enfants autistes en crise ont malheureusement trop souvent des comportements qui nous rappellent ceux de l’opposition-provocation

De causes à effets compréhensibles dans la réalité de la vie, les gens interviennent en conséquence. Comportement d’opposition égale enfant qui se rebelle contre l’autorité. Vient alors les punitions, répéter la consigne plus fermement, donner des conséquences négatives voire même faire des arrêts d’agir et mettre l’enfant en isolement. En passant, cela contrevient à la Charte des droits et libertés de la personne. Faire très attention à ce genre d’intervention!

Autant pour les intervenants que pour le jeune autiste, ces interventions sont tristes, apportent peu de résultats et nuisent grandement à l’intégration de celui-ci. L’enfant est perçu comme malcommode, impoli et on s’entête à vouloir « casser ses comportements ». Alors s’installe un jeu de pouvoir malsain venant de l’adulte, et destructeur d’un côté comme de l’autre. « Casser quelqu’un », « casser un enfant » n’est pas une intervention de relation d’aide. Elle blesse et détruit à court et à long terme.

Mais comment aider ces enfants en crise? Comment aider les intervenants qui veulent, je le crois sincèrement aider ces enfants, mais qui ne comprennent pas leurs réactions? Car c’est vrai, ils ne sont pas des enfants comme les autres.

En premier il faut reconnaître les comportements de crise autistique versus des comportements d’opposition d’enfants typiques.



Voici quelques comportements qui montent en intensité, observés lorsque les enfants autistes sont de moins en moins disponibles jusqu’à la crise complète

  • Parle de moins en moins
  • Répond par oui ou par non aux questions (n’arrivent plus vraiment à faire des phrases complètes ou ce qu’ils nomment ne fait pas sens)
  • Ne fait que répéter ce que l’adulte dit
  • Répète : « je ne sais pas » à presque tout
  • Évite beaucoup le regard ou fixe intensivement avec de grands yeux ouverts
  • Semble éparpillé(e), ne se met pas en action
  • Fait des bruits de bouche ou augmente ses bruits de bouche
  • Se balance d’en avant en arrière plus intensivement
  • Agitation physique plus importante
  • Mâchouille presque tout
  • Cache ses oreilles avec ses mains
  • Devient irritable avec les autres enfants et même avec l’adulte
  • Tente de s’isoler, n’arrive plus à rester assis(e)
  • Lorsqu’on lui parle nous regarde avec un « sourire » particulier souvent accompagné de grands yeux ouverts (ce sourire n’est pas un sourire de joie et ne doit pas être interprété ainsi)
  • Fuit la tâche, fuit le groupe, fuit le bruit…
  • Fugue
  • Lorsqu’on tente de le (la) retenir, tente de se sauver, tire lorsqu’on l’attrape, se cache
  • Peut frapper ou tenter de mordre
  • Pousse le mobilier, les chaises, les tables…
  • Lance les objets, le mobilier…
  • Peut avoir des paroles inappropriées et/ou agressives
  • Se couche au sol ou sous le mobilier
  • Se frappe ou se blesse
  • Est agressif, insulte, menace…

Qu’est-ce qui déclenche la crise ?

Des milliers de raisons peuvent expliquer ces périodes difficiles. De la fatigue cognitive, une surcharge sensorielle, de l’anxiété ou des émotions mal gérées comme de la colère accumulée ou de la peur par exemple. Une indisponibilité cognitive (incapacité à traiter les informations reçues), des incompréhensions multiples et des difficultés de communication. Des mauvais liens TSA souvent rigides et des stratégies adaptatives manquant de souplesse. Des limites de compréhension sociales et de grandes difficultés d’introspection et de gestion interne. Des imprévus ou des changements incompris de la personne TSA. Des difficultés sociales ou des incompréhensions de ce qui doit être fait. Bref, la liste pourrait être encore très longue.

Les crises proviennent de tous les défis qu’apporte le spectre de l’autisme. Et les crises sont d’origine tellement diverse, comme une simple étiquette de vêtement qui dérange depuis plusieurs heures, à une peur d’échouer mélangée aux incompréhensions et à la surcharge sensorielle accumulées de la journée.    

Plus on connait la personne TSA, plus on arrive à comprendre ce qui l’amène à un manque de disponibilité ou à la crise. Mais il n’est pas toujours nécessaire de comprendre l’origine pour bien intervenir.  


La première chose qu’il faut avoir en tête est que la personne autiste a des besoins différents, pour des raisons différentes.

Il ne sert à rien d’intervenir en comportemental lors de ces moments (punition ou autres). Il faut même éviter ce genre d’intervention qui ne fait que mettre de l’huile sur le feu.


Interventions gagnantes préventives

  • Établir les signes que démontre l’enfant autiste lorsqu’il va bien, lorsqu’il devient moins disponible, lorsque la crise est imminente et finalement, les comportements de crise de la personne (n’est plus du tout réceptive à l’aide, n’est plus fonctionnelle)
  • Cibler les moments où l’enfant semble le mieux aller et ce qui l’aide au quotidien pour rester disponible (ex : pauses régulières des stimuli, lézard lourd, mâchouilleur, donner les explications à l’avance lorsqu’il y aura un changement…)
  • Cibler les moments difficiles où l’enfant se désorganise souvent. Observer les causes et les comportements. Toujours analyser les comportements selon les particularités TSA de la personne et non selon notre perception de personne typique
  • En prévention, il faut mettre des adaptations nécessaires pour rendre ces moments plus faciles (voir les propositions plus bas)
  • Cibler les interventions efficaces selon la disponibilité de l’enfant et les interventions gagnantes à mettre en place selon la hausse de niveau (Lorsque l’enfant va bien, lorsqu’il démontre des signes de manque de disponibilité, signes de précrise et comportements de crise)
  • Établir un protocole écrit et clair sur les interventions à privilégier et ce qui sera fait par tous les intervenants, de la même façon selon le niveau de disponibilité (prévention active)
  • Bien important : Établir et mettre en place les interventions préventives pour éviter les crises

Voici des moments scolaires plus complexes pour TOUS LES ENFANTS TSA ! 

  • Les récréations
  • Les rangs
  • Les transitions
  • S’habiller ou se changer dans des espaces restreints comme les corridors surpeuplés
  • Les cours d’éducation physique, particulièrement lorsqu’il y a beaucoup de bruits et plusieurs activités simultanées
  • Dans l’autobus
  • Lors des sorties scolaires
  • Au service de garde
  • À l’heure du dîner
  • En jeu libre

Interventions préventives

  • Permettre à l’enfant de sortir de la classe avant la cloche pour prendre ses vêtements. Lui permettre de s’habiller en classe plutôt que dans le corridor
  • Permettre à l’enfant de se déplacer avant ou après la masse de personnes pour les déplacements
  • Idéalement, éviter à tous prix les dîners en groupe, tassés et bruyants. S’il est possible, lui permettre d’aller manger dans un local tranquille seul, ou en très petit groupe loin du bruit chaotique de la cafétéria
  • Placer l’enfant à l’avant de l’autobus en lui permettant d’écouter sa musique avec ses écouteurs par exemple ou avec des coquilles
  • Placer l’enfant soit à l’avant ou à l’arrière du rang. S’il est responsable et écoute bien les consignes, c’est mieux à l’arrière
  • Mettre en place des pauses préventives tout au long de la journée pour aller « évacuer le trop plein » avant qu’il soit trop tard. Par exemple, aller au local de la TES dans le coin calme après le diner ou suite au cours d’éducation physique. Éviter de parler inutilement à l’enfant. Juste lui donner un temps coupé des autres où il n’y a aucune exigence et où l’enfant TSA peut éliminer cette surcharge cognitive. Notez qu’il vaut mieux un 20 minutes de coin calme en prévention, qu’un après-midi infernal et peu productif  
  • Mettre l’enfant dans le coin de la classe où le calme est plus présent. Évitez de le placer en sandwich ou près d’un enfant bruyant et agité. Les enfants TSA et TDAH font un mélange relativement peu gagnant habituellement
  • Au service de garde, permettez à l’enfant au besoin et en prévention, d’aller dessiner, écouter de la musique ou faire un casse-tête tranquille dans le local des intervenantes ou un coin calme par exemple. L’enfant TSA aimera davantage être seul avec le moins de bruits possible en fin de journée ou avec un adulte qu’il apprécie. L’enfant TSA qui a passé toute la journée à se contrôler ne pourra passer au travers du service de garde souvent très actif et bruyant. Pourquoi ne pas faire une petite pause dans le coin calme de la TES après les cours ou aller à la bibliothèque?
  • L’enfant TSA joue avec les autres s’il est disponible, calme et s’il a les prérequis pour le faire. L’intégration sociale n’est pas un absolu particulièrement lorsqu’il est indisponible. Le mettre en situation où la plupart du temps ça dégénère, n’aide en aucun cas l’intégration de l’enfant. Un enfant TSA a dépensé 50% plus d’énergie que tous les autres enfants pour passer au travers de sa journée. Laissons-lui une pause bien méritée.


En crise

  • Éviter les consignes verbales et le langage inutile. Donner des consignes simples accompagnées de soutien visuel (ex : une photo du local calme de la TES avec la consigne « va au coin calme »)
  • Éviter le contact physique. Vous pouvez vous placer en conséquence de lui montrer le chemin à suivre, par exemple placer vos bras dans la direction à prendre. L’enfant tentera de vous fuir donc placez-vous dans la direction opposée d’où il doit aller
  • Prendre son temps. Si l’enfant n’est pas en danger et se cache sous la table par exemple, attendre en silence près de lui (2 mètres pas plus près) fera surement le travail. Souvent attendre quelques minutes évite bien des problèmes
  • Expliquer à l’avance où l’enfant peut aller en crise. Lui montrer et lui faire vivre des moments de pauses lorsqu’il est disponible pour qu’il enregistre bien l’information. Lui expliquer qu’au lieu de fuir, il n’a qu’à aller à cet endroit pour se calmer
  • Toujours avoir un endroit de disponible pour la gestion de crise selon la période de la journée (ex : lors des cours, lors du service de garde…). Le laisser y aller lorsqu’il le demande. Il peut très bien une fois calmé, poursuivre son travail à ce local jusqu’au retour au calme complet. Mais lui laisser un temps où il n’y a aucune exigence avant, est essentiel (se « vider de sa surcharge »)
  • DONNEZ DES PAUSES PRÉVENTIVES !!! Super important. Des petits 10 minutes ici et là feront toute la différence. Idéalement, elles doivent être inscrites à l’horaire et ciblées en fonction des moments difficiles
  • Utilisez les outils visuels de base pour les personnes autistes en tout temps. Autiste de haut niveau de fonctionnement ne veut pas dire « pas besoin d’outils autistiques ». Il faut uniquement les adapter à sa compréhension et ses besoins (ex : horaire personnalisé, séquence d’activités à faire, tableau de renforcement des comportements attendus, des photos des endroits à aller en crise ou des objets pour se calmer, expliquer avec du visuel ce qui est attendu et comportements à éviter, identifier avec l’enfant les signes de « précrise » et les moyens pour les éviter, expliquer à l’avance ce qui va se passer en regardant le site web pour une sortie scolaire par exemple et ce qu’il peut faire selon les situations possibles si nous prévoyons certaines difficultés …)  

Il faut garder en tête qu’il faut beaucoup de douceur et de compréhension pour aider une personne TSA en crise. L’opposition-provocation et les crises chez l’autiste ne sont pas reliés à un désir de déranger, de déstabiliser l’autre ou de se rebeller contre l’autorité, bien au contraire! Ils tentent tellement de se conformer qu’ils n’en dorment plus la nuit.

Les crises et les comportements problématiques proviennent très souvent des incompréhensions, de l’anxiété sociale chez le haut niveau, des surcharges et du manque de disponibilité cognitive. Vient un moment, malgré tout le bon vouloir de la personne autiste, où elle ne peut plus répondre à ce qui est demandé. Où elle se sent complètement envahie et surchargée. Et la seule solution réellement efficace, est la pause préventive. Où il n’y a plus d’exigence, plus de stimuli et plus de consigne verbale. Où la personne peut finalement avoir du temps pour replacer son trop plein d’informations. Où elle peut avoir ses comportements autistiques loin du regard des autres, dans le calme.

Il peut être complexe de bien comprendre les personnes autistes, autant pour les parents que pour les intervenants, particulièrement en classe régulière! Où la nécessité d’avoir et même de réclamer des formations appropriées pour bien intervenir. Lorsque les moyens préventifs sont mis en place, la plupart des problèmes se placent par eux-mêmes.


Bonne année scolaire!


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